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Rose


Alors Josette,  Michel Claude et André
Rendent aujourd’hui  hommage à cette humilité
A cet oubli de soi,  ce courage,   à  Maman.
Et  nous sentons aussi, pour toujours, 
La présence de Jacques et Papa
Là,  tout près, parmi nous

L’amour pour ses enfants  galvanise son cœur
Et sert de pansement à sa vie de malheurs
Absorbant tous les coups de ce parcours odieux.
C’est bien  pour ces raisons qu’elle ignore les dieux
Bien que si  ils existent et qu’elle les rencontre
A coup sûr ils devront, de fait,  lui rendre compte.

Mère  à 18 ans, mais aussi à 19
Puis encore à 25, et puis à  27 ans
 Et puis 2 ans plus tard pour ces 31 ans
En traversant la guerre,  être 5  fois maman !

Quand le destin s'acharne sur elle et sur les siens
Elle lève la tête et s'y met à deux  mains
Elle tient  bon la barre jusqu'à ce que demain
Et puis après demain  soient beaux  pour tous les siens.
Et ce ne sont pas là que simples compliments
Mais un juste constat de la vie de maman
Et il aura fallu bien du temps pour le voir
Protégés que nous fûmes, souvent sans le savoir. 

Son amour pour les lettres, le français, la grammaire
De Corneille a Racine en passant par Voltaire
Guidera  nos esprits de façon salutaire
Et ce  verbe  aguerri qui cingle à nos oreilles
Et ces silences aussi qui nous  parlent,  pareil
Forgerons nos idées, nos valeurs, nos révoltes
Elle sème  le grain pour que l’on le récolte.

L’emploi des citations toujours très à propos :
 « A vaincre sans périls on triomphe sans gloire » **
Rappelle son passé, son vécu,  ses entrailles
Mais forge  nos futurs  et nous rende  plus fort

De même qu’aujourd’hui elle aimerait nous dire :
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportée sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ? …..*         

   
La rose à des épines, elles piquent souvent
Mais protègent ainsi tous les bourgeons naissant
Les pétales s'envolent et les épines restent
Pour que vive la vie  et que Rose renaisse

Ainsi Josette, Michel Claude et André
 Rendent aujourd’hui  hommage à cette humilité
A cet oubli de soi,  ce courage,  à  Maman.
et  nous sentons aussi, pour toujours,

La présence de Jacques et Papa Là,   tout près, parmi vous. 

Claude
* Le Lac  Lamartine
**Le Cid Corneille 



Les dernières photos de maman 
En avril 2015

Juin 2016





Voila un texte écrit par Rose , Maman. 

Je l'ai volontairement tronqué pour mettre en évidence les difficultés de nos parents  pendant la guerre et l'après guerre.Parfois difficile cette lecture nous fait réfléchir  et nous rappelle d'où nous venons.


C'est la guerre depuis deux ans, Alex rentre du service militaire, nous nous marions, pauvrement, chichement, pas d'argent ni d'un côté, ni de l'autre. Nous restons chez mes parents à Grand-Selve(Rue des Sables à Toulouse), ni joie, ni confort dans une ambiance électrique; chez moi les disputes sont permanentes. Au bout de deux mois nous prenons une chambre chez un voisin. 4 murs, pas d'eau courante, pas d'électricité, pas d'évier, pas de chauffage. Nous nous installons tant bien que mal. C'est dans ce taudis que Josette nait, le 27 décembre 1942



1942


après une grossesse où les contrariétés et les privations ne m'ont pas été épargnées.Josette Le bébé s'en ressent, nerveux, sans appétit, difficile en tous points.
1943
Mai 1943, je suis à nouveau enceinte de 3 mois, Alex est appelé, il part en Allemagne, S.T.O., pour 27 mois.

Je suis seule, enceinte et un bébé de 4 mois. Mes parents ne sont pas loin mais l'ambiance n'est pas meilleure avec encore un enfant qui arrive





En novembre 43, Jacques nait toujours dans le même taudis sans eau avec un petit poele parisien pour tout chauffage


C'est la guerre et tout est contingenté je n'ai droit qu'a ¾ de litre de lait par enfant.
Josette est toujours aussi fragile. Je 1'amène à plusieurs pédiatres, sans résultat : contractions du pylore, c'est nerveux, mais aucun organe n'est malade...
Deux années bien difficiles, une grossesse si rapprochée de la 1ère et un bébé sur les bras.
Voilà comment j'ai passé la guerre.


1946-1955 au Ferradou

Toute la famille côté Rodriguez sur le perron du chateau du Ferradou en 1952



Nous vivons dans deux grandes pièces à un premier étage. Il y a un bac à la cuisine sans évier, pas de salle d'eau, un W.C. rudimentaire au rez-de-chaussée.
Pendant deux ans un moteur qui alimente le château en eau nous l'amène à la cuisine.


[1948+ja+jo+an+[800x600].jpg]
1947,


c'est la naissance d'André. Trois enfants en cinq ans malgré deux ans d'absence.


André, Jacques Josette
En février 48, alors que le bébé a 4 mois, la maison de repos (le château où Alex est cuisinier) ferme ses portes.

Jacques, Alexandre et Josette
Il n'y a plus de pensionnaire, les prisonniers de guerre sont guéris ou morts. Alex est sans travail et on risque de nous expulser, l'appartement étant de fonction. Mais on nous laisse tranquilles et Alex (grâce au boulanger de Blagnac) rentre comme plongeur à sud-Aviation, ( aujourd'hui EADS Airbus) à la cantine de Blagnac.

1948


Me voilà seule toute la journée avec trois gosses dont l'ainée a 5 ans sans eau, plus de moteur le château étant fermé, bientôt plus d'électricité (la ligne privée qui amenait le courant depuis la route de Grenade est détruite par un orage - comme elle avait été construite par les Allemands pendant l'occupation du Château, l'E.D.F. ne veut pas la réparer, il faudra attendre l'électrification des écarts,)


Donc il faut s'occuper de cinq personnes, sans électricité, sans eau courante :je prends l'eau à une pompe à levier située à 50 mètres et je dois la monter au 1er étage; je lave bien entendu tout à la main, il n'y a pas de couches à
Jeter, pas de fer électrique. Alex montait l'eau, oui, deux seaux le matin avant de partir, deux seaux le soir en arrivant, après 18H00
1949

Quatrième grossesse.-Mes parents sont furieux et leur visites s'espacent; cependant ils restent ma seule distraction et maman m'aide un peu quand elle vient.


Je ne me souviens pas à quelle date nous avons eu à nouveau l'électricité mais des longues soirées à la lampe à pétrole, avec des enfants petits, je m'en souviens comme si c'était hier.! Que de souvenirs si difficiles à décrire
Enceinte, un seau à chaque main, des escaliers à monter, André qui a un an et ..un homme jaloux
Physiquement et moralement je suis à bout. J'ai oublié de vous parler du chauffage ! Pour tout, cuisine, chauffage, séchage du linge, une cuisinière à charbon. Qu'il faut allumer le matin de bonne heure, entretenir, enlever les cendres, la suie. Monter le charbon stocké en bas, très salissant.
Michel
1949


[1950+michel+[++024x768].jpg]Michel arrive, le quatrième, l'ainée a 6 ans 1/2. Toujours pas d'eau courante, je lave tout â la main; aucun des 4 enfants ne peut se laver, ni s'habiller seul, surtout avec si peu de commodités il faut économiser l'eau si difficile à monter je lave tous les visages dans la même eau, puis le corps, et ainsi de suite et çà va durer plusieurs années.




J'ai 27 ans mais je suis bien fatiguée, physiquement d'abord, sur le plan nerveux n'en parlons pas ; car en plus je dors peu, avec des tout-petits les nuits sont agitées et n'oubliez pas, une seule chambre avec notre lit, trois lits d'une place et un berceau
Oh! Le paysage est joli! Certes. Auteur du château un grand parc plus que centenaire traversé par un ruisseau, de grandes allées deux bassins... beau décor qui fait dire aux beaux-frères et belles-sœurs en visite chez nous, pour le plaisir, "vous AVEZ de la chance, pour promener les enfants, c'est bien!"
Mes enfants, je ne sais pas si je m'explique bien et si vous pouvez imaginer le poids des taches ménagères qui m'accablaient mais je n'ai pas eu souvent le loisir, ni l'envie de promener le landau sous les grands arbres !
J'étais bien trop fatiguée! Quant à mes distractions et à mes plaisirs je ne vous en parle pas - on est à 3 kilomètres de Blagnac, moyen de transport le vélo et Quatre petits enfants.
[1946+ferradou+ja+jo+[800x600].jpg]Nous vivons dans la misère avec peu de linge, (je me suis mariée sans trousseau), peu de vêtements, peu de meubles et de matériel... il faut faire avec.
Toutes ces conditions étant réunies le soir, exténuée, je ne vous ai pas compté BECASSINE ou LE CHAPERON ROUGE
[4.jpg]Je n'avais aucun soutien moral, je vous l'ai dit, mes parents méprisaient les familles nombreuses, les assimilant aux gitanes ou aux animaux
I951 -1955
Ici se situe la saison "CASTOR"
5 impasse de l'Aunis Quartier Bagatelle Toulouse
 savez que st grâce â cette opération que nous avons cette maison à Bagatelle. Pendant 3 ans tous les week-end et les congés Alex et 100 autres employés de sud-A. vont venir travailler ici, sur le chantier pour faire tous les intérieurs des maisons ... du boulot pour eux, mais pour moi aussi, car je suis seule là-bas dans mon repaire, en semaine Alex est au travail le reste du temps sur le chantier... ce n'est pas un reproche, loin
de là, mais je me souviens des difficultés accrues, seule ...d'autant plus que c'est en
1953..
enceinte à nouveau avec vous quatre et toutes ces difficultés. Ma mère se désintéresse :"après nous répond-elle un jour tes enfants sont aussi les petits enfants de ta belle mère elle n'a qu'a se bouger
J'avais compris, mais je me souviens d'avoir eu très mal.
1953, UNE ANNÉE NOIRE ou ma santé physique et morale en prend un coup sérieux.
J'en ai assez des enfants! je suis très fatiguée, jamais aucune distraction :
Josette et Jacky, 9 et 10 ans sont insupportables, toujours en bagarres,
André est de santé délicate,(une toxicose à 2 mois qui a failli l'emporter lui a laissé un tube digestif fragile)il est souvent grognon... seul, Michel m'a amené quelques satisfactions - et pourtant je ne l'ai pas voulu non plus - mais il a poussé comme un champignon
Il est sage, affectueux et joli comme tout- mais j'en ai assez...
Avorter ? Il faut le faire en cachette, il faut de l'argent et de plus c'est dangereux... sachez que mon adolescence a été bouleversée par la mort de ma sœur à 19 ans par un avortement ! donc bon gré mal gré il faut subir..Ma mère a pris une épicerie, rue de la Providence et ne viendra pas me soigner pour l'accouchement
Décembre 1953: Je vais accoucher, en clinique ?

Comment laisser 4 enfants ? Josette n'a que 11 ans, Alex travaille : je décide d'accoucher à la maison. Où nous n'avons qu'1 chambre, n'oubliez pas On met un vieux lit dans la cuisine (quand je dis vieux : il n'avait que trois pieds, des briques superposées faisaient le 4ème!

Pas de chance, le bébé se présente mal, à 2 h matin un gynéco vient me chercher pour une césarienne il m'amène - clinique des Teinturiers- puis il fait un version interne, tire, et voilà Claude au monde, tout bleu, tout meurtri les traces des doigts du docteur, faisant des hématomes sur sa tête et son visage - il manque mourir -pas de couveuse à l'époque- mais il s'en sort avec un bras cassé ça pressait, le docteur a tiré, le bras était replié... bref.,
je rentre au Ferradou avec un nourrissons dont le bras est dans le plâtre et des difficultés respiratoires.

Les cinq
Les relevailles sont difficiles, je suis à bout.
Je viens de me relire, c'est bien vite dit ces douze années de calvaire où j'ai pratiquement vécu un enfant dans le ventre, un à la main et une lessiveuse à l'autre, à la recherche des deux grands qui m'échappaient dans ce grand parc plein de risques...

1958
Claude garde le bras au plâtre pendant 1 mois 1/2, puis un matin il étouffe, tem:.. 36°, congestion pulmonaire, il ne respire que par 1/4 de poumon, d'un seul côté C'est le début de la pénicilline; mais il fallait à ce moment-là faire une piqûre toutes les trois heures , 24 heures sut 24; trop éloignés pour faire venir une infirmière toutes les trois heures, et le médecin de BLAGNAC qui vous soignait depuis 7 ans me dit :" si ce n'était pas vous ce serait l'hospitalisation, mais je vous fais confiance vous allez y arriver "
Il avait donc jugé que je me débrouillais bien avec vous 5, dans les condition de vie qu'il pouvait constater il me montre comment faire les piqûres et j'ai fait 53 piqûres en huit jours sur des petites fesses de deux mois, toutes les trois heures, nuit, et jour.. Il s'en est sorti, son petit bras toujours replié pendent trois mois - j'avais très peur qu'il en soit handicapé, mais tout s'est bien arrangé... au moins pour lui, car pour moi c'était autre chose, j'étais au bout du rouleau. Un soir une violente hémorragie m'empêche de faire un pas; vite on couche les plus grands... j'expulse un fétu de 2 mois 1/2. Claude a 4 mois.


Le médecin me conseille de sortir D'ici, « essayez de trouver un job, quelque distraction » Un jour,, j'amène André, Michel et Claude au dispensaire de la rue du Pont vieux pour un vaccin antipolio. En sortant je pense que Mme DESCADEILAS qui dirigeait le Ferradou travaille A côté, A la Clinique des Teinturiers je vais lui montrer les enfanta et lui dire bonjour... Je lui demande si par hasard elle n'aurait pas un travail pour moi, A mi-temps pour commencer, car j'ai 39 ans et il y a longtemps que j'ai oublié ma scolarité;
Entre temps, j'ai oublié de vous dire que, bien décidée à travailler j'ai passé un concours A la sécurité sociale où j'ai été reçue 3ême sur 300 candidats et 30 sélectionnées.. Dommage que je n'ai pas attendu qu'on m'appelle..

Donc le 1er juin 1961 je rentre aux Teinturiers, au standard :

1962- A crédit, j'achète la télé, en blanc et noir bien sûr.. Mais n oubliez pas que mes distractions étaient nulles 'Alors j'avais enfin une amie qui me racontait des choses intelligentes le soir de temps en temps, car pour les enfants c'était l'époque "des copains d'abord' A la maison, on dormait, les repas étaient prêts à l'heure, le linge était lavé, que demander de plus....



Merci Maman, Merci Papa