d’Alexandre Rodriguez mon père.
José Maria Rodriguez naquit en avril 1888 en Espagne et rendit son dernier souffle le 6 juillet 1961 à Toulouse. De même, Laurence Navarro vit le jour le 5 septembre 1889 en Espagne et s'éteignit le 24 janvier 1974 à Lafrançaise.
Leurs racines étaient solidement ancrées dans la région de Valence, à Requeña, où leurs parents possédaient des terres. Ils y vécurent jusqu'en 1924. Le père de Laurence décéda alors qu'elle n'avait que 7 ans, laissant derrière lui une petite fratrie composée d'un frère et d'une demi-sœur.
Le couple se unit en mariage en 1912 et donna naissance à cinq enfants. Au printemps de 1924, José Maria, mon grand-père, partit travailler en France et fit venir sa famille. Ils s'établirent dans les vignobles de l'Hérault, à Vias, où ils travaillèrent dans les vignes, tandis que Laurence, ma grand-mère, s'occupait des tâches ménagères.
Plus tard, ils travaillèrent dans une vaste propriété de l'Aude, le Domaine de Caraghuilles à Millepetit, près de Trèbes. José Maria (Pépé) se chargea des chevaux, tandis que Laurence (Mémé) labourait dans les vignes avec ses enfants. Cependant, avec le temps, les enfants grandirent et se détournèrent de la terre, préférant chercher du travail dans les grandes villes.
En 1932, la famille s'installa rue des Sables, dans le quartier de Grand Selves à Launaguet (Toulouse). Ultérieurement, José Maria (Pépé) et Laurence (Mémé) acquirent un petit lopin de terre dans cette rue. Les filles, Marie et Eloïne, travaillèrent dans le domaine de la chaussure, tandis que Joseph et Alexandre devinrent cuisiniers, et le cadet, Joseph, embrassa la profession de boulanger.
Plus tard, Lorsque la guerre éclata en 1939, ils décidèrent de se faire naturaliser français.
Dans la même rue, vivaient Marie Louise et Paul Bara.
Le mariage se déroule au château du Feradou, où un cliché capturé par Paul Bara (surnommé Bon papa) immortalise ce moment mémorable. Quelques années plus tard, Alexandre facilite l'embauche de Joseph à la cantine de Sud Aviation, où ce dernier exerce son métier. Par la suite, Joseph prend la décision de quitter son poste pour reprendre le restaurant bleu situé rue Pargaminières à Toulouse. Malheureusement, la maladie frappe Joseph, et il s'éteint le 1er juillet 1968. Son épouse, originaire de Labastide de Bouzignac dans l'Ariège, le fait reposer dans sa terre natale. Le couple n'a pas eu d'enfant.
Alexandre, surnommé Papa, naît le 6 mai 1921 à Requeña et s'éteint le 19 janvier 2001. Il arrive en France à l'âge de près de trois ans, gardant en mémoire ses premiers pas à l'école de Trèbes où il a appris le français. Plus tard, à l'école de Lalande à Toulouse, il fait la rencontre de Rose Bara, qui deviendra sa femme. À l'âge de 15 ans, son frère aîné Joseph, déjà cuisinier, l'initie aux arcanes de la cuisine dans différents restaurants, dont le Regina près de la gare.
La guerre éclate, et Alexandre s'engage dans les chantiers de jeunesse à Axat dans l'Aude pour effectuer son service militaire de 1941 à juin 1942. De retour, il épouse Rose Bara (Maman) le 25 juillet 1942. Il trouve un emploi au Clocher de Rodez, place Jeanne d’Arc à Toulouse, avant de faire une pause au St CYR, d'où les Allemands le réquisitionnent pour le service du travail obligatoire (STO) au service de l'Allemagne souveraine. Il part le 23 mai 1943 de la gare St Cyprien, accompagné de sa femme Rose. La durée de son absence reste incertaine, et nombreux sont ceux qui ne reviendront pas.
Pour Rose (Maman), c'est le début d'une période longue, terrible et difficile. Josette a alors 5 mois, et Jacques naîtra six mois plus tard, dans une époque marquée par la pénurie d'argent, de nourriture et de lait pour les enfants, bref, la guerre. Quand Alexandre (Papa) revient en août 1945, il découvre Jacques à l'âge de 21 mois.
Il travaille ensuite comme cuisinier au château du Ferradou, où la famille s'installe jusqu'en 1954. Par la suite, ils auront trois fils : André en 1947, Michel en 1949 et Claude en 1953.
Alexandre (Papa) avait coutume de dire : "Si c'est bon, ça ne peut pas faire de mal..." ou encore "Goûte à tout, mais n'abuse de rien..." Il aimait rire, et sa passion était son métier : la cuisine.
Alexandre, c'était un homme attaché à la simplicité, à une cuisine classique où les extravagances se limitaient à des mélanges aussi audacieux que le canard à l'orange. Mais oh, quelle délicieuse cuisine, celle des souvenirs qui perdurent. Cette passion qu'il a insufflée à ses enfants et petits-enfants.
Imaginez-vous, sept convives réunis autour d'une table. Papa, fier de sa découpe, arrive avec un poulet qui occupe déjà une place monumentale dans les mémoires. Les frites attendent sagement dans les assiettes, et cinq couteaux, cinq fourchettes se dressent vers le ciel, prêts à débuter le festin. Une prière muette flotte dans l'air, non pas à Dieu, car il était rarement convié à ces repas, mais plutôt une supplication discrète : "Pourvu qu'il reste des frites...!"
Le poulet est servi, peut-être pas avec les cinq cuisses escomptées, mais qu'importe. Heureusement, les suppléments de frites sont là pour compenser. Les plus grands sont servis en premier, et tu te rappelles avec un sourire ta maigreur d'enfant, surnommé "fil de fer...en rouleau."
La salade, une laitue magnifique, ne remporte qu'un succès mitigé. André, fidèle à lui-même, la refuse avec un "non, pas pour moi, ça me ballonne." Les "grands" font semblant d'en prendre un peu. Papa tente de nous convaincre de manger de la chlorophylle pour notre santé, en vain. Mais par respect pour vos parents, la boîte de camembert reste vide, même si, de toute façon, ça ne se conserve pas. Heureusement, Jacques n'en raffole pas, ce qui évite toute discussion sur le partage équitable.
Après le café, une sorte de folie s'empare de tous, chacun trouvant une activité subite au moment où, par grande coïncidence, les couverts doivent être rangés. C'était un dimanche comme tant d'autres, où seul le menu différait, marquant un moment de convivialité et de partage inoubliable.

José Maria, surnommé Jo, a vu le jour le 1er janvier 1924. À peine âgé de trois mois, il posa ses premiers pas sur le sol français. À l'aube de ses 15 ans, il entama son apprentissage dans le domaine de la boulangerie. Cependant, son destin fut bouleversé lorsqu'il fut mobilisé par les forces allemandes, le conduisant à se retrouver à Toulon au moment où la marine française s'auto-saborda en novembre 1942.
Après son retour en 1946, Jo scella son destin en unissant sa vie à celle d'Anne-Marie Sanfelin, une femme d'origine espagnole
À l'âge de 7 ans, Annie a perdu sa mère et a été confiée à l'éducation d'un couvent situé rue Pargaminières, où elle a été élevée jusqu'à atteindre l'âge de 21 ans, à sa majorité.
Jo, le conjoint d'Annie, est décédé le 15 octobre 1999 à Lafrançaise. Le couple a donné naissance à deux enfants, Michèle, née en 1948, et Patrick, né le 20 mai 1953 et décédé le 23 février 2021.
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Michèle |
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Alexandre Annie Rose et Joseph |
Anecdotes, souvenirs
Nous nous rendions régulièrement chez Mémé pour partager un café en milieu d'après-midi. La plupart du temps, nous arrivions après avoir déjeuné chez Bonne Maman et Bon Papa, qui résidaient à seulement 500 mètres de là. L'atmosphère du jardin était imprégnée de l'essence de l'Espagne. Grand Selve, le quartier des maraîchers, avait attiré de nombreux immigrés espagnols et italiens, conférant à la rue des Sables une ambiance méditerranéenne bien marquée.
Le café était toujours prêt sur la cuisinière à bois, dont le feu était doucement assoupi après le repas du midi. Cependant, la cafetière n'était pas seule sur la grande plaque en fonte. À côté du conduit, le "conejo" frit attendait patiemment sa dernière heure dans la poêle noircie.
En français, il s'agissait du lapin. Dédé, fin linguiste malgré une préférence peu prononcée pour l'espagnol au profit de ses préférences blondes ou brunes, le désignait avec affection comme "le Couniko". Ce lapin avait suivi un parcours complet, de sa naissance à sa cuisson, le tout réalisé entièrement "maison" : élevé, nourri, engraissé, égorgé, saigné, dépecé, découpé, et enfin cuisiné.
Il avait même eu l'occasion de déguster des croutons maison et de savourer l'herbe du jardin, arrosée d'une manière peu conventionnelle par Mémé, debout comme un homme. Une touche d'authenticité supplémentaire à cette expérience "fait maison".
"Claudio ! Minja el cunejo !", lançait Mémé, maîtrisant le français appris là où Dédé avait perfectionné son espagnol. Cette scène captivante nous transporte dans l'intimité d'une famille où les traditions culinaires, les préférences linguistiques et les moments de vie quotidienne se mêlent harmonieusement.